La méditation, un remède comme les autres ?

Dans un environnement instable et de plus en plus anxiogène, la méditation permet de créer en soi une stabilité pour mieux habiter le monde. Mais, au-delà de la force qu’elle confère, la méditation a également des effets sur la santé, que l’on sait mesurer aujourd’hui.

Les scientifiques occidentaux ont commencé à mesurer les effets physiologiques de la méditation il y a une quarantaine d’années. On comptait trois publications anglo-saxonnes sur le sujet en 1969, et 1 200 en 1997. En 2007, 2 285 études scientifiques analysaient l’impact sur la santé de la méditation. Ainsi, une étude récente met en évidence une meilleure contractilité cardiaque pour des sujets s’adonnant à la méditation depuis plusieurs années. Mais, mieux vaut parler des méditations car le terme recouvre une multitude de pratiques. « Méditer, c’est comme aller en voyage : il existe des milliers de destinations différentes, avec autant de ressentis singuliers », rappelle le Dr Frédéric Rosenfeld, auteur de « Méditer, c’est se soigner ».
Une approche différente de la relaxation
Parfois confondue avec la relaxation, la méditation peut induire un état relaxé mais celui-ci n’est pas une fin en soi. La plupart des techniques visent plutôt la libération de la souffrance par la maîtrise et la purification de l’esprit. Pour cela, certaines traditions recourent à la visualisation d’une image mentale ou à la récitation d’un mantra (méditation transcendentale…), d’autres au contrôle de la respiration (yoga kundalini…), d’autres enfin, surtout issues de l’enseignement de Gautama, le bouddha historique, recommandent de porter la conscience sur la respiration et les sensations corporelles, qui sont la réalité objective de l’instant présent (méditation Vipassana, qui signifie « voir les choses telles qu’elles sont »).
Quelle que soit l’approche, ces techniques de méditations peuvent concourir à la guérison psychologique mais aussi physique. Selon le Dr Jacques Vigne, psychiatre, auteur de « Soigner son âme, méditation et psychologie », « La méditation est la thérapie holistique par excellence, en ce sens qu’elle revient constamment à l’unité. Elle ne cherche pas uniquement le bien-être, mais plutôt un état de stabilité mentale qui soit également au-delà du mal-être. » Car accepter d’un esprit égal bien-être et mal-être est une des clefs de la guérison au sens où « guérir, plus que soigner (ce qui est parfois impossible), c’est établir une autre relation à la maladie, la mort, en ayant une vision globale », écrit Jon Kabat-Zinn, un biologiste américain formé au Massachusetts Institute of Technology et qui, depuis trente ans, a mis au point sa propre méthode de méditation (MBSR) et œuvre pour que soit étudiés les liens entre la méditation et la santé [voir encadré ci-dessous].
Expansion de conscience et plasticité du cerveau
Le Dr Rosenfeld estime qu’« il n’est pas excessif de dire que la méditation soigne le corps en plus du psychisme. D’ailleurs, le Bouddha est souvent appelé le Grand Médecin. » Il enseigne lui-même la Mindfullness-Based Cognitive Therapy (MBCT), un mélange de MBSR et de thérapies comportementales, qui s’adresse aux anciens déprimés auprès de qui elle réduit de 50 % le risque de rechute.
Parmi les premières découvertes, on s’est rendu compte que la méditation ralentit les rythmes cardiaque et respiratoire, la tension musculaire et les ondes cérébrales. Des études montrent une action préventive des troubles cardiovasculaires, voire une baisse de l’hypertension, de la douleur chronique chez les personnes âgées, de la lombagie chronique, etc.
Plus récemment, la mise en évidence de la plasticité du cerveau montre qu’en fonction de leur utilisation, les connexions neuronales disparaissent, se créent ou se renforcent. Les recherches de Richard Davidson auprès de moines bouddhistes ont ainsi permis de montrer que la méditation transforme le cerveau qui génère beaucoup plus d’ondes gamma. Lesquelles, selon Wolf Singer, permettent à plusieurs aires du cerveau de synchroniser leur fonctionnement, donc d’accroître le niveau de conscience. Les images obtenues par résonance magnétique (IRM) chez des moines aguerris ont par ailleurs mesuré une activité accrue dans le cortex préfrontal gauche, en relation avec les émotions positives qui, selon le Dr Thierry Janssen, stimulent l’immunité.
Dompter le stress
Un des effets induits par la pratique régulière de la méditation est d’alléger une souffrance omniprésente dans nos société contemporaines, le stress. Quand il devient chronique, celui-ci affaiblit l’organisme (accélération du vieillissement, déficit immunitaire, taux de cortisol élevé) et peut contribuer à l’exacerbation ou la chronicité de l’asthme, du psoriasis, de la migraine, de la fatigue, de l’arthrite rhumatoïde, voire à aggraver des maladies comme l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète de type II. Dans « Karma & Chaos », le psychiatre américain Paul Fleischman, qui enseigne aussi la méditation Vipassana, explique comment celle-ci « induit des changements moléculaires dans le corps du méditant, car l’observation équanime de soi modifie la circulation des sécrétions chimiques liées au stress. Mais aussi des changements biologiques provenant d’une relation plus lucide avec le corps : sommeil, alimentation, rythme cardiaque, manifestations psychosomatiques, etc. » Les méditations qui visent à ancrer la conscience dans le présent font naturellement tomber le « stress interne » issu du ressassement du passé et des projections d’avenir. Lesquelles génèrent un sentiment d’impuissance face à la vie en général et à la maladie en particulier. Cette action de la méditation sur la baisse de l’anxiété a été mesurée par plusieurs études, dont une menée auprès de 2 117 policiers de New Delhi ayant suivi un cours de dix jours de Vipassana. De fait, quand un méditant réalise que la douleur est, elle aussi, un phénomène impermanent, sa peur de la souffrance physique et de son incapacité à y faire face diminuent.
Diminuer la douleur et la durée des traitements
Chez les patients atteints de maladies chroniques pour lesquels la médecine allopathique ne parvient plus à limiter la douleur, la méditation permet d’améliorer la qualité de vie, comme l’ont montré plusieurs études auprès de patients atteints de cancer suivant un programme de méditation MBSR. Une étude portant sur le psoriasis a mesuré qu’une photothérapie à base de rayons ultra-violets obtenait des résultats supérieurs si elle était associée à la pratique de la MBSR. La méditation ne se substitue pas aux traitements classiques mais, chez un méditant sérieux, elle peut en réduire la durée. Elle est un facteur d’autonomisation, souligne le Dr Rosenfeld, pour qui « la méditation n’est pas une béquille, mais une manière de vivre, une façon d’être qui doit, à force de pratique personnelle, faire partie du quotidien ». Tous les enseignants l’affirment : sans l’effort d’une pratique quotidienne, aucune technique de méditation ne peut opérer.
La méditation mobilise des énergies dont la puissance nous dépasse. C’est tout sauf un placebo ! prévient le Dr Rosenfeld qui rappelle aussi que méditer n’est pas facile, que ce peut même être stressant du fait des pensées négatives qu’il faut affronter. « Je ne conseillerais jamais à une personne qui vit un épisode dépressif d’aller faire une retraite de dix jours de méditation, cela serait très dangereux pour elle. » Mélanger plusieurs techniques entre elles est vivement déconseillé : cela pourrait générer exaltation, délires, voire décompensations psychiques.
Le chemin quotidien de la guérison
Si la méditation a des vertus thérapeutiques, elle est aussi intrinsèquement bonne pour l’individu qui la pratique. Ainsi, malgré l’orientation thérapeutique qu’il a donné à sa technique de méditation (MBSR), clairement centrée sur les symptômes et présentée pour s’adapter à la culture occidentale du résultat et de la rentabilité, Jon Kabat-Zinn lui-même souligne que le but de la méditation dépasse de loin la guérison, et vise à « s’établir dans l’être, et non plus dans l’action inconsciente, sans chercher à atteindre des objectifs d’amélioration de soi. Être régulièrement assis en méditation est un acte de santé majeur, c’est une nouvelle façon d’être, de laisser le plein potentiel de votre être s’exprimer. La pratique méditative doit être l’objet de la vie entière. »
Si la méditation concourt souvent à la guérison, c’est « de surcroît » et on ne doit pas exiger d’elle l’amélioration directe d’une souffrance précise. Méditer en vue d’un résultat (le bonheur, la santé, la libération…) est contraire à l’esprit même de la méditation. Selon le Dr Fleischman, « La méditation a des effets thérapeutiques plus distincts si l’on n’attend rien d’elle, mais qu’on la pratique comme un but en soi, l’expression d’un aspect de la nature humaine… plutôt qu’un simple moyen de s’élever vers d’autres sphères de la vie, elle a trait au processus de construction de la personne. »
La méditation est là pour nous accompagner toute notre vie, en particulier quand nous sommes malades mais pas uniquement…

Samuel Socquet

Focus
Une technique adoptée par 200 hôpitaux américains
Jon kabat-Zinn s’est fait connaître pour sa technique de méditation médicalisée et « occidentalisée » de lutte contre le stress dû à la maladie, aux douleurs chroniques, aux traitements pénibles. Il l’a baptisée MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction, ou Réduction du stress par la pleine conscience), pour, dit-il, « rassurer les suspicieux et intégrer la méditation à la pratique clinique ».
En trente ans d’expérience, cette approche a été adoptée par 200 hôpitaux américains qui l’utilisent systématiquement en complément des traitements traditionnels. Elle peut s’apprendre lors d’un programme de huit séances réparties sur deux mois, et est basée sur un mélange de zen, de yoga et de méditation Vipassana.

Focus
Apprentissage : choisir sa façon de méditer
La méditation s’apprend. Seul un enseignant qualifié et expérimenté pourra guider dans cet apprentissage. Pour choisir une voie et s’y engager, le mieux est de se fier à son ressenti vis-à-vis de la technique et de l’enseignant, qui doit laisser ses élèves libres tout en étant disponible pour répondre aux questions qu’ils se posent. Dans les approches traditionnelles, l’enseignement lui-même est donné sans contrepartie financière ou selon une participation libre.
Zazen, selon l’enseignement traditionnel japonais de Taisen Deshimaru (zen-azi.org).
Zen, selon l’enseignement bouddhiste de Thich Nhât Hanh (villagesdespruniers.net).
Vipassana, cours intensifs de dix jours selon l’enseignement laïc de
S. N. Goenka (www.mahi.dhamma.org).
MBSR (réduction du stress) et MBCT (contre les rechutes dépressives). Compter entre 300 €€ et 500 €€ le programme de huit séances réparties sur deux mois (association-mindfulness.org).
À lire
L’art de vivre, méditation Vipassana enseignée par S. N. Goenka, de William Hart, Le Seuil, 1997.
Karma and Chaos, de Paul Fleischman, Satas, 2007, 19 €.
L’art de la méditation, de Matthieu Ricard, Nil, 2008, 12,50 €.
Méditer c’est se soigner, de Frédéric Rosenfeld, Les Arènes, 2007, 22 €.
Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, de Jon Kabat-Zinn, DeBoek, 2009, 36 €.

Samuel Socquet. Article paru en novembre 2009 dans la revue Pratiques de Santé n° 95.

 

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