Un jardin d’eau, d’art et d’amour

Situé au pied du mont Aigoual, dans le parc national des Cévennes, le Jardin des Sambucs est un concentré de création, d’humour et de poésie. Reportage dans un écosystème singulier, labellisé « Jardin remarquable » depuis 2005, où la végétation s’exprime dans toute sa splendeur.

Accrochées à flanc de montagne, les multiples terrasses qui forment le Jardin des Sambucs (« sureaux » en occitan) ne se laissent deviner qu’une fois qu’on a pénétré dans cet Eden. Si au détour d’une calade on peut admirer quelques points de vue sur les Cévennes, la singularité du jardin fait plutôt oublier le monde du dehors.

Bouquets d’orties

Des boules de verre coloré flottent dans un bassin où coassent deux petites rainettes. Auprès de romantiques ancolies, un massif de phlomis accueille un bouquet d’orties. Sur un petit panneau de zinc, la définition du verbe flâner: « Se promener sans hâte, au hasard, en s’abandonnant à l’impression du moment. Paresser, perdre son temps ». Plantés ici et là, des dômes géants ont été construits en roches de rivière, semblables à des igloos de pierre. Quand certains abritent des plantes de milieu humide, d’autres sont des espaces de repos qui offrent des coussins moelleux pour une sieste à la fraîche.

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Terrasses cévenoles

Un esprit de poésie joyeuse et libérée souffle dans ce jardin pas comme les autres et plein de surprises. Dans les branches d’un figuier, la lumière de fin de journée joue avec des gouttelettes de cristal alors qu’un peu plus loin, c’est une clé antique qui pend à une branche. Le vent fait tinter les clochettes et les carillons accrochés aux arbres qui ont été plantés le long des terrasses, pour apporter de l’ombre. Un polovnia en pleine floraison violette part à l’assaut d’un rosier ancien. Au pied d’un mûrier blanc, l’entrelacs de branchages et de brindilles est devenu un abri pour hérissons et d’autres auxiliaires du jardin. Dans les murets de pierres poussent sedums et pervenches. Sur chacune des terrasses, des bassins apportent la fraîcheur. Au mois d’août, ils permettront la floraison grandiose des lotus blancs.

Ne pas déranger les lézards

Nous sommes au printemps, mais la créatrice du jardin est patiente. « C’est la saison des amours pour les couleuvres et les lézards. Je ne veux pas les déranger », explique Agnès Brückin, qui précise aussitôt qu’elle se « contente d’intervenir là où ça devient flou. C’est l’œil qui redessine le jardin, quand c’est nécessaire. Je suis seule pour l’entretien : l’idée, c’est de se faire plaisir sans perturber la nature et sans trop se fatiguer. J’interviens a minima ». Nicholas Brückin, son mari à qui l’on doit les sculptures du jardin, précise : « Agnès jardine avec des ciseaux et des petits outils. Elle coupe très peu et progressivement, pour suivre le dessin qu’elle a dans la tête… et qu’elle seule connaît ! Elle suscite, les plantes font le reste. Je suis très admiratif de ce qu’elle fait. De mon côté, je suis surtout intéressé par la structure du jardin. Je ne suis pas botaniste et c’est plutôt le graphisme des plantes qui me touche. » Ainsi, les tiges de métal courbé qu’il a plantées près des joncs en soulignent le mouvement.

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« Depuis 1994, ce jardin évolue en permanence et de manière empirique : avec Agnès, on se raconte des histoires qu’on essaie de mettre en forme. Souvent, le mouvement part d’une phrase ou d’un voyage qu’on a fait. » Complexes dans leur structure mais peuplés de plantes toutes simples, Les Sambucs évoquent l’univers d’un Facteur Cheval, d’un Gaúdi ou d’un Tinguely. Sur le plan botanique, il est un bel exemple du « jardin en mouvement » tel que le conçoit le paysagiste Gilles Clément. Ce sont d’ailleurs ses propos qui accueillent le visiteur : « Regarder pourrait être la plus juste manière de jardiner demain ».

Lieu de vie et d’échange

En plus d’être un jardin, Les Sambucs sont un lieu de vie où l’on peut manger, lire, jouer, faire la sieste… Une bibliothèque en plein air et en libre accès offre une vaste collection de livres sur les jardins, le land art, l’architecture. Les enfants ont leur coin à eux, véritable salle de jeux en plein air. Des artistes sont exposés et des après-midi lectures sont proposés aux visiteurs. À midi, des assiettes végétariennes servies par Agnès et Nicholas Brückin s’adaptent à la récolte du jour dans le potager (bio) du jardin. Les Sambucs : une bulle pour s’extraire du monde et plonger dans un univers cévenol fait d’eau, d’art et d’amour.

Samuel Socquet

Reportage paru en avril 2015 dans Plantes & Santé n° 156


Le sambuc (« sureau » en occitan)

Le sureau noir (Sambucus nigra), arbuste de climat tempéré, est très répandu en Europe. Ajoutées au compost, ses feuilles en accéléreraient la décomposition. Anti-inflammatoires et diurétiques, ses fleurs et son écorce sont utilisées en phytothérapie depuis l’Antiquité, mais aussi pour traiter fièvre et infections respiratoires (toux et rhume). Les baies du sureau, gorgées de vitamines A, C, B6 et de fer, se récoltent en septembre. Au Jardin des Sambucs, elles se dégustent toute la saison sous forme de sirop.
S.SO.

Lotus en fleur, dôme de Nicholas Brückin

Le lotus

Originaire d’Asie, le lotus (Nelumbonucifera) est sacré dans la plupart des religions du continent. Elle est emblématique de la transformation spirituelle : enracinée dans la vase, elle élance ses fleurs au-dessus de la surface de l’eau. En médecine chinoise, ses feuilles sont utilisées contre les maux de poitrine et pour la perte de poids, et ses graines combattent l’insomnie. L’absolue de lotus, utilisée en olfactothérapie, régule l’humeur, calme les douleurs et les tensions et stimule l’appétit. Elle serait aussi anti-infectieuse et cicatrisante.
Image précédente: Lotus en fleur, devant un dôme en pierres de l’Hérault, construit par Nicholas Brückin
S.SO.

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