Épisode 2/5 de la série Peuples autochtones, guérissez-nous!
Dans un laboratoire parisien, des ingénieurs conçoivent des cosmétiques qui synthétisent « la magie et la science ». Ici, des Ashaninka du Pérou et une chamane shipibo partagent leurs plantes et leurs savoirs avec Daniel Joutard, le directeur. Il refuse de déposer des brevets et veut aller plus loin que le commerce équitable – qui rémunère le producteur, mais pas les détenteurs du savoir traditionnel.
La beauté, c’est une préoccupation partagée aussi par les Yupiks de Sibérie comme nous l’apprend Olga Cetykai Csonka à l’Université du vivant. Chamane issue de ce peuple de nomades du Tchoukotka, à l’extrême nord-est de la Russie, son village collabore aujourd’hui avec les scientifiques occidentaux.
Pour le chamane, l’esprit de la plante participe à la guérison tout autant que ses molécules. Pour le chercheur occidental, une plante est une « ressource génétique » dont on peut isoler, extraire et breveter des principes actifs pour fabriquer, par exemple, des médicaments.
Ces deux visions de la nature semblent inconciliables. En réalité, elles ne sont pas étanches, car les savoirs voyagent : des Européens s’inspirent du chamanisme pour réenchanter leur monde occidental, des autochtones de Guyane contestent des brevets déposés par un institut de recherche pendant qu’au Pérou, d’autres se forment à l’approche matérialiste des herbes médicinales…
Que racontent ces échanges, volontaires ou subis, de notre lien avec le monde vivant? Pour le savoir, allez sur la page de cette série de reportages sur les savoirs des peuples premiers.
Peuples autochtones, guérissez-nous! 5 reportages de Samuel Socquet, diffusés sur RTS-La 1ère:
Au mois d’août, un groupe de participants à l’Université du vivant de St-Cergue découvraient l’atelier de communication avec les arbres de Christophe Cantin. Formé au Collège pratique d’ethnobotanique de François Couplan, il se veut « un pont entre les plantes et les humains » et affirme avoir été « initié » par une plante. Dans le Jardin botanique de Neuchâtel, Blaise Mulhauser, le directeur, nous apprend que notre pharmacopée regorge de plantes médicinales venues d’ailleurs.
La biopiraterie, c’est l’appropriation de savoirs autochtones par des chercheurs, des pharmas ou des industriels sans partage des bénéfices. Le Sénégal est confronté à ce phénomène, nous apprend depuis Dakar l’ONG ENDA santé. La Guyane française aussi: la Fondation Danielle Mitterrand a fait opposition à un brevet sur la SkE, une molécule contenue dans l’arbuste Quassia amara, qui permettrait de développer un traitement contre le paludisme. A l’Institut de recherche pour le développement, les détenteurs du brevet se défendent de toute appropriation illégitime.
Chaque été, des camps chamaniques autogérés prennent à contrepied les stages où on acquiert un « savoir ». Espaces-liens avec le vivant, ils sont co-organisés par Carine Roth et Guido Albertelli. Dans le Jura français, ces deux praticiens formés à la Foundation for Shamanic Studies (FSS) entraînent des néophytes dans un voyage chamanique au son du tambour.
Sur les hauteurs d’Aubonne, dans le canton de Vaud, Jean-Luc Tschabold a planté un millier d’arbustes originaires des territoires amérindiens dans sa Ferme de l’aronia, première exploitation romande de ces baies noires bourrées d’antioxydants. Chez les Indiens du Nord-est américain, elles faisaient office de super-aliment pour passer les mois d’hiver et les chamanes l’utilisaient pour soigner. Mais l’aronia est-elle vraiment un médicament ? Dans son cabinet de médecine intégrative Ultreia, la Dre Sara Taddei prescrit cette baie à ses patients atteints de cholestérol.
Peuples autochtones, guérissez-nous!
5 reportages de Samuel Socquet (entretiens, prise de son, montage), réalisés par David Golan et produits par Laurence Difélix. Ils ont été diffusés pour la première fois sur la radio de service public RTS-La 1ère du 7 au 13 septembre 2020.
Photo d’illustration: Pendant un spectacle de danse à Mysore en août 2011, dans l’Etat du Karnataka (Inde), une danseuse de Kathak suit le rythme endiablé des percussions. © Samuel Socquet